Environnés par la stridulation des cigales, sous les pins centenaires de la forêt de Janas, se meuvent avec lenteur des groupes d’hommes et de femmes, comme dans un film passé au ralenti, écartant les bras, se pliant, pivotant, faisant des gestes avec leur main, comme une sorte de danse initiatique, dans un silence à la fois sérieux et souriant, une sorte de sérénité.
C’est une rencontre organisée par Louis Wan der Heyoten, maître en arts martiaux, qui réunissait pour une journée les clubs de Taï Chi Chuan, de gymnastique taoïste, de QI Gong, de karaté. Rencontre afin de mieux faire connaître toutes ces méthodes qui ont pour but de développer le corps, l’esprit, se sentir mieux dans sa peau. Toutes la journées, se sont succédées des démonstrations, des initiations avec le maître et son équipe. Ce que Louis appelle « Le dynamisme dans la lenteur ».
Louis est un homme incroyable, tout en énergie positive, en passion et sérénité, avec un sourire qui ne se dément jamais et une volubilité impressionnante.
Né le 11 mai 1948 au Viet-Nam, il a eu une vie hors du commun.
D’un père hollandais, d’une mère chinoise avec quelque part un soupçon de corse, il débarque en France à 8 ans sans parler un mot de français. Il ira avec peine jusqu’en seconde et on lui signifie qu’il est en incapacité intellectuelle.
Il devance alors l’appel à l’armée afin d’essayer de trouver sa voie. Il aime déjà les arts martiaux mais passera une maîtrise de psychologie et un doctorat de naturopathie… Pas mal pour un déficient intellectuel, et pas banal !
Installé à la Seyne sur Mer, il ouvre un cabinet en se spécialisant dans la psychologie enfantine.
Il continue à faire du Taï Chi à raison d’un week-end par mois durant 8 ans. Entre temps il ouvre une école de karaté à Djibouti, (Il est 7ème dan) fait deux tours du monde « en kimono », précise-t-il, en 84 il part en Chine pour une remise en question.
Au cours de ses pérégrinations, en Espagne il rencontre un maître : Kao Chi. Il a 89 ans. « Ce sera, me dit-il, un éblouissement. Je sais enfin ce que sera ma vie ». Kao Chi mourra à 102 ans.
Autour de Louis, se sont créées 12 associations de Taï Chi dont une à Six-Fours, regroupant en tout quelque 400 adhérents à travers la France.
Question d’un néophyte, Louis : Le Taï Chi est-il un sport ou un art ?
C’est un art… Un art martial mais un art, qui vient des temps ancestraux puisqu’on ne sait pas qui l’a inventé.
Un art qui agit sur la santé, la spiritualité, c’est une sorte de thérapie, un chemin qui n’est jamais abouti, que l’on suit toute sa vie.
Nous vivons dans un monde chaotique et le Taï Chi nous permet de nous poser de voir en soi, de se connaître physiquement, moralement, spirituellement qui améliore notre santé. En fait c’est l’anti vision de la vie !
Le Taï Chi, c’est comme l’eau qui n’en finit pas de couler, qui ne lutte jamais, que l’on ne peut tenir entre les doigts. L’eau est humble.
Est-ce que tout le monde peut le pratiquer ?
Bien sûr, hommes et femmes, gros et maigres, petits et grands, jeunes et vieux… Chacun à son niveau car il y a plusieurs styles de Taï Chi et l’on est libre de prendre celui qui est bon pour soi. C’est la seule vérité fondamentale.
Chaque professeur enseigne selon sa propre vision et évite ainsi la dictature de l’art. C’est un art de partage et de tolérance. Chacun y prend ce qu’il veut y prendre ».
L’homme est magnifique, ouvert, lumineux, serein, à l’écoute des autres. On sent chez lui à la fois cette passion et cette sagesse, l’humanité et la mansuétude.
La dernière phrase qu’il me dit avant qu’on se quitte :
« Il faut savoir voir l’invisible, croire à l’incroyable, obtenir l’impossible ».
Phrase à méditer car il est vrai qu’on peut tout avoir lorsqu’on le veut vraiment.
Jacques Brachet
Photos Monique Scaletta